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Représentation linéaire des groupes finis



Représentation linéaire des groupes finis


Définition 0.1. Représentation linéaire Soit V  un ℂ   -espace vectoriel de dimension finie n  . Une représentation linéaire d’un groupe G  dans V  est la donnée d’un morphisme ρ : G → GL(V )   . Ceci correspond à la donnée d’une action de groupe linéaire de G  sur V  , en notant ∀(g,v) ∈ G ×V, g.v = ρ(g)(v)
. On dit aussi que V  est un G  -module.

Exemple 0.2. Voici les exemples fondamentaux de représentations linéaires :

  • La représentation triviale, définie par ∀s ∈ G, ρ(s) = IdV  .
  • La représentation régulière : on se donne un espace vectoriel de dimension ∣G ∣ et on considère une base que l’on indice par les éléments de G  , i.e. ℬ = {eh}h∈G  . Pour s ∈ G  , on définit alors ρ(s) ∈ GL(V )  par ρ(s)(eh) = esh  , ce qui correspond à une permutation des coordonnées.
  • La représentation somme : pour deux représentations ρ1  et ρ2  respectivement sur V  et W  , on définit une représentation ρ1 ⊕ ρ2  sur V ⊕ W  par la formule :
    ∀(v,w) ∈ V × W, ρ1 ⊕ ρ2(g)(v + w) = ρ1(v)+ ρ2(w)
  • La représentation produit : pour deux représentations  1
ρ  et  2
ρ  respectivement sur V  et W  , on définit une représentation  1   2
ρ ⊗ ρ  notée aussi ρV⊗W  sur ℒ(V,W )  (espace des applications linéaires de V  dans W  ) par la formule :
    ∀f ∈ ℒ(V, W ), ρV⊗W (g)(f) = ρ2(g)∘ f ∘ρ1(g-1)
  • Une action sur les polynômes : si G  est un sous-groupe fini de GL  (ℂ)
   n  , on définit une action linéaire de G  sur ℂ[X ,...,X  ]
   1      n  en notant, pour A = (a  ) ∈ G
      i,j  , ρ(A)(P)  le polynôme obtenu par la substitution de X
  i  par ∑n   a  X
  j=1 i,j  j  . On note symboliquement ρ(A)(P)(X)  = P(A.X)
.

Définition 0.3. Représentations isomorphes Deux représentations ρ  et ρ′ d’un même groupe G  respectivement sur V  et V ′  sont dite isomorphes si il existe un isomorphisme τ : V →  V ′  tel que ∀s∈G, τρ(s) = ρ′(s)τ  , ce qui permet d’identifier les deux représentations.

Définition 0.4. Sous représentations Si une représentation ρ  de G  sur V  admet un sous espace vectoriel W  ⊂ V  stable par tous les ρ(s) ∈ GL(V )  , elle induit une sous représentation ρW  sur W  .

Définition 0.5. Représentations irréductibles Une représentation est dite irréductible si elle n’admet pas de sous représentation stricte.

Proposition 0.1. Représentation unitaire Toute représentation est isomorphe à une représentation unitaire.

Démonstration. On peut supposer V  muni d’un produit hermitien (.,.)  . Quitte à remplacer ce produit (x,y)
par ∑
  s∈G (ρ(s)x,ρ(s)y)   , on peut supposer ce produit invariant par l’action de G  . Donc dans une base orthonormale pour (.,.)  , les matrices des ρ(s)  sont unitaires. __

Corollaire 0.2. Une représentation ρ  sur V  est réductible si elle peut s’écrire comme somme V = W ⊕ W 0
de deux représentations non triviales.

Démonstration. Quitte à faire un changement de base, on peut supposer la représentation unitaire. Si la représentation n’est pas irréductible, elle admet un sous-espace globalement stable W  , et en prenant un supplémentaire orthogonal   0
W  , ce dernier est aussi stable, car les matrices des ρ(s)  sont unitaires. __

Remarque. Le corollaire précédent signifie que les matrices des ρ(s)  sont diagonales par bloc dans une base bien choisie, ce qui correspond bien à la représentation somme.

Proposition 0.3. Toute représentation peut s’écrire comme somme de représentations irréductibles.

Remarque. Cette écriture n’est bien sûr pas unique, mais on va voir qu’elle est unique "à isomorphisme près", au sens que si W  = W1 ⊕ ...⊕ Wr  , le nombre de fois qu’une représentation irréductible U  est isomorphe à un Wi  est fixé.

Définition 0.6. Sous-représentation invariante Soit ρ  une représentation sur V  . On note V G   le sous-espace des vecteurs invariants , i.e. V G = {v ∈ V ; ∀s ∈ G, ρ(s)(v) := s.v = v} . C’est une sous représentation de V  .

Définition 0.7. Opérateurs dentrelacement Dans le cas de la représentation produit ρV⊗W   sur ℒ(V,W)  de deux représentations ρ1  et ρ2  respectivement sur V et W , on note HomG(V,  W ) := ℒ(V,W )G
l’espace des invariants. On nomme ses éléments des opérateurs d’entrelacement ou des G  -morphismes .

Remarque. Dire que f ∈ ℒ(V,W )  est un opérateur d’entrelacement correspond à ce que f  vérifie ∀s∈G, fρ1(s) = ρ2(s)f  , ie f  fait commuter, pour tout s ∈ G  , le diagramme :

     f
V  -- --→  W
||         ||
↓ ρV(s)    ↓ρW(s)
     f
V  -- --→  W
Si f est bijectif, ceci correspond au fait que f  soit un isomorphisme de représentations, dans le cas général, on parle de G -morphismes, où d’opérateurs d’entrelacement.

Lemme 0.4. Lemme de Schur Soient  1
ρ : G → GL(V )  et  2
ρ  : G → GL(W )  deux représentations irréductibles d’un groupe G  . Soit f ∈ ℒ(V,W )  un opérateur d’entrelacement, ie f ∈ HomG(V, W )  . Alors :

  • Si  1
ρ   et  2
ρ   ne sont pas isomorphes, f = 0  .
  • Sinon, on peut supposer ,  1   2
ρ = ρ   , et alors f  est une homothétie.

Démonstration. Si on suppose que f ⁄= 0  , alors les hypothèses montrent que V0 = Ker(f)  est stable par tous les ρ1(s)  , et donc comme ρ1   est irréductible, V0 = {0} . De même Im(f )  est stable par tous les ρ2(s)  , donc au final, f  est un isomorphisme et ρ1  et ρ2  sont isomorphes.
Dans le deuxième cas, comme on travail sur des ℂ  -espaces vectoriels, f  a au moins une valeur propre λ  . En posant f′ = f - λId  , on voit que Ker(f′) ⁄= {0} , et en appliquant la première partie de la démonstration, on a f′ = 0  . __

Corollaire 0.5. On a donc : dimℂ(HomG(V,  W )) = 1  .

Définition 0.8. Opérateur de Reynolds Soit ρ  une représentation de G  sur V  . On définit l’opérateur RG∈ℒ(V,V )  par la formule :

       1 ∑
RG := ---   ρ(s)    ∈ ℒ(V,V )
      ∣G∣s∈G
On l’appelle opérateur de Reynolds .

Théorème 0.6. Propriétés de lopérateur de Reynolds RG  est un projecteur sur V G  . En particulier :

  • VG = Im(RG) = Ker(RG  - Id)
  • dim ℂ(VG) = tr(RG)

Définition 0.9. Application moyennée Dans le cas de la représentation produit ρ
 V⊗W  sur ℒ(V, W )  de deux représentations ρ1  et ρ2  respectivement sur V  et W  , pour f ∈ ℒ(V,W )  , on node ^f := R  (f) ∈ ℒ(V,W )
      G  , ce qui correspond à l’application moyennée :

              ∑
^f : v ∈ V →-1-   ρ2(s)(f(ρ1(s-1)(v)))
           ∣G ∣s∈G

Proposition 0.7. Application aux G  -morphismes Dans le cas de la représentation produit ρV⊗W  sur ℒ(V,W)  de deux représentations ρ1   et ρ2   respectivement sur V  et W  , pour f ∈ ℒ(V,W )  , on a :

dimℂ(HomG(V,  W )) = tr(RG) = ɛ
Avec ɛ= +1  si les deux représentations sont isomorphes, et 0  sinon. De plus, pour tout f ∈ ℒ(V,W )  , ^f est une application G - invariante pour la représentation linéaire ρV⊗W  , ie c’est un G  -morphisme, f ∈ HomG(V, W )
.

Définition 0.10. Caractères Soit ρ  une représentation d’un groupe G  sur V  de dimension n  . On lui associe son caractère χρ  défini par χ ρ(s) = tr(ρ(s))  tr  désigne la trace.

Proposition 0.8. Propriétés des caractères On a les propriétés suivantes :

  • χρ(1) = n
  •           - 1   -----
∀s ∈ G, χρ(s ) = χρ(s)  .
  •         2       -1
∀(s,t) ∈ G , χρ(tst ) = χρ(s)   : on dit que χρ  est une fonction centrale sur G  .
  • Si ρ  se désentations ρV  et ρW  , alors
    χρ := χV⊕W  = χρV + χρW .

  • Si on note ρ
 V⊗W  la représentation produit sur ℒ(V,W )  de deux représentations ρ
 V  et ρ
 W  , alors ρ    = χ---χ
 V⊗W    ρV  ρW  .

Démonstration.

  • C’est évident car tr(IdV) = dim(V ) = n  .
  • Vient du fait que l’on peut prendre une matrice unitaire pour ρ(s)  et de :
        -1         -1      ----  -------
χρ(s  ) = tr(ρ(s) ) = tr(ρ(s)) = tr(ρ(s)).

  • Vient du fait que                         -1
∀(A, B) ∈ GLn( ℂ), tr(BAB ) = tr(A)  .
  • Si on note ℬV  une base de V  et ℬW  une base de W  , la matrice de ρV⊕W (s)  s’écrit dans la base ℬ:= ℬV ∪ ℬW   :
           (MV (s)    0   )
M (s) =    0    MW (s)
    M  (s)
  V  est la matrice de ρ
 V  (s) dans la base ℬ
 V  et M   (s)
  W  celle de ρ  (s)
 W  dans ℬ
 W  . D’où χ    (s) = tr(M (s)) = tr(M (s))+ tr(M  (s)) = χ (s)+ χ  (s)
 V⊕W                    V          W        V      W  .
  • Provient du lemme suivant.
__

Lemme 0.9. Soit u ∈ ℒ(W )  et v ∈ ℒ(V)  deux applications linéaires. On définit Φ ∈ ℒ(ℒ(V ),ℒ(W ))  par la formule Φ(f) = u ∘f ∘v  , alors on a tr(Φ) = tr(u)tr(v)  .

Démonstration. On se donne des bases (ei)i∈I  de V  et (fj)j∈J  de W  , ainsi que les bases duales (ei)*i∈I  et (f*j)j∈J
. On peut construire une base (Fi,j)(i,j)∈I×J  de ℒ(V,W )  par la formule :

                 *
∀x ∈ V, Fi,j(x) := 〈ei,x〉fj ∈ W
La base duale est ainsi définie par la propriété :
∀f ∈ ℒ(V,W ), 〈F* ,f〉 = 〈f*,f(e )〉
               i,j       j   i
On a donc :
tr(Φ) := ∑        〈F *,Φ(F  )〉 = ∑        〈f*,u ∘F  (v(e))〉
         ∑ (i,j)∈I×J  i*,j    i*,j      (i,j)∈I∑×J  j     i*,j   i  *
=          (i,j)∈I×J 〈fj,u(〈ei,v(ei)〉fj)〉 =  (i,j)∈I×J 〈fj,u(fj)〉〈ei,v(ei)〉 = tr(u)tr(v)

__

Définition 0.11. Produits hermitiens Si ϕ  et ψ  sont deux fonctions de G  dans ℂ  , on pose          1 ∑      ----
(ϕ,ψ) := ∣G-∣  ϕ(t)ψ(t)
           t∈G

(.,.) est un produit hermitien sur l’espace vectoriel E  des fonctions de G  dans ℂ  .

Théorème 0.10. Relations dorthogonalité Une famille de caractères de représentations irréductibles non deux à deux isomorphes forme une famille orthonormale de l’espace des fonctions de G  dans ℂ   , ce qui signifie :

  • Si χ  est le caractère d’une représentation irréductible, on a (χ,χ) = 1  .
  • Si χ  et   ′
χ sont deux caractères de représentations irréductibles non isomorphes, on a     ′
(χ,χ) = 0  .

Démonstration. Soient ρ1  et ρ2  deux représentations de la famille considérée, respectivement sur des espaces vectoriels V  et W  . Avec la proposition 0.7, on a donc : tr(RG) = ɛ  , où ɛ = +1  si les deux représentations sont isomorphes (donc en fait égales), et 0  sinon. Or :

         1-∑               -1∑
tr(RG) =  G    tr(ρV ⊗W)(s) = G    χρV⊗W(s)
           s∈G                s∈G
Or on a vu à que           -----
χV⊗W (s) = χV (s)χW (s)  , donc on a bien :
         1-∑  -----
tr(RG) =  G    χV (s)χW (s) := (χW ,χV) = ɛ
           s∈G
__

Proposition 0.11. Unicité de la décomposition On suppose qu’une représentation ρ  de G  sur V  est décomposée en somme de représentations irréductibles V = W1 ⊕ ...⊕ Wr  . Alors si W  est une représentation irréductible de caractère χW  , le nombre de fois que W  intervient dans la décomposition (ie le nombre de Wi
isomorphes à W  ) est indépendant de la décomposition et vaut (χρ,χW )  . Au final, si on choisit une famille (U1,...,Ur)  de représentations deux à deux non isomorphes, on écrit de manière unique V = n1W1 ⊕...⊕nrWr
avec ni = (χρ,χWi)  .

Corollaire 0.12. Deux représentations sont isomorphes si et seulement si elles ont même caractères. De plus, une représentation sur V  de caractère χV  est irréductible si et seulement si           ∑   2
(χV,χV ) =  n i = 1  .

Remarque. En fait, on peut montrer que famille des χ
  Wi   forme une base orthonormale de l’espace vectoriel des fonctions centrale. Le nombre de W
  i  est donc égal aux nombre de classes de conjugaisons dans G  .

Référence : [?, p.1][?, p.267]
Utilisation : (***,14) (**,2) (*,0)
Mots clefs : action de groupe, groupes finis, caractères, matrices semblables, sous-espaces stables, dimension, produit hermitien, espace hermitien, sous groupes finis de SO(3)  .

LECONS CONCERNEES
101 - Groupe opérant sur un ensemble. Exemples et applications
103 - Exemples de sous-groupes distingués et de groupes quotients. Applications
104 - Groupes finis. Exemples et applications
105 - Groupe des permutations d'un ensemble fini. Applications
106 - Groupe linéaire d'un espace vectoriel de dimension finie E, sous-groupes de GL(E). Applications
107 - Sous-groupes finis de O(2,R), de O(3,R). Applications
120 - Dimension d'un espace vectoriel (on se limitera au cas de la dimension finie). Rang. Exemples et applications
121 - Matrices équivalentes. Matrices semblables. Applications
124 - Réduction d'un endomorphisme en dimension finie. Applications
125 - Sous-espaces stables d'un endomorphisme d'un espace vectoriel de dimension finie. Applications
126 - Endomorphismes diagonalisables
132 - Formes linéaires et hyperplans en dimension finie. Exemples et applications
134 - Endomorphismes remarquables d'un espace vectoriel hermitien de dimension finie
141 - Utilisation des groupes en géométrie
145 - Méthodes combinatoires, problèmes de dénombrement

Auteur du document : Gabriel Peyré  
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